vendredi 6 mars 2009

« Tiny » Weenie Mini


« Mais un jour
Mary Quant
A fait son grand carnage,
Elle a coupé les jupes
Des filles les plus sages,
Ses robes pop toutes courtes
Ont fait trembler la terre,
Ma vie a chaviré
A cause d'une couturière.

Et ce minimum a changé ma vie
J'aime un maximum ce mini »

Laurent Voulzy, Mary Quant

Courir après un bus, gagner un match de tennis. Swinger à Londres, enflammer les plateaux de télévisions.
Elle a défrayé la chronique, la mini. Et pour cause. Née en 1962, elle est incroyablement provocante, à une époque où les jeunes filles ont encore besoin de l’autorisation parentale pour avoir accès à la pilule contraceptive. Mary Quant reconnaît avoir coupé la première minijupe pour elle, et les suivantes pour ses amies qui trouvaient amusant et provocant de montrer leurs jambes. Il faut dire qu’au début des années 60, le fait de dévoiler cette partie du corps est tout sauf anodin : en 1964, Noëlle Noblecourt, présentatrice de l’émission Télé Dimanche, est licenciée de l’ORTF pour avoir montré ses genoux à l’écran. Mais tout ceci doit changer !

Mary Quant, styliste autodidacte, s’associe en 1955 à son mari, Lord Alexander Plunket Greene, pour ouvrir une boutique de vêtements sur Kings Road à Londres, Le Bazaar. Insatisfaite, elle décide de créer sa propre ligne. A partir de 1958, ses jupes se font de plus en plus courtes, pour atteindre la « longueur » de dix centimètres au dessus du genou, impérative pour mériter l’appellation de « mini ». Mary Quant considère cette évolution comme pratique et libératrice, car elle permet de parcourir le monde à grandes enjambées. Ca n’est peut être pas sans rapport avec le fait d’avoir donné à la jupe courte le nom de la célèbre voiture, la préférée de la styliste.

Certes, la minijupe est sexy est provocante, mais elle se veut avant tout pratique. C’est pourquoi son port s’accompagne de l’essor des collants, bien plus pratiques et confortables que les bas. Ils sont généralement de couleurs vives, symboliques de l’esprit Swinging London. Pour parfaire leur tenue, les jeunes filles portent la minijupe avec des bottes plates, tout comme Nancy Sinatra sans le clip de sa chanson « These boots are made for walking ».
En janvier 1965, quatre ans après la fondation de sa maison de couture, le styliste André Courrèges est le premier français à se saisir du phénomène en faisant de la minijupe la pièce phare de sa collection printemps-été 1965, dans une version plus futuriste que sa cousine d’outre-manche. Il présente plusieurs modèles haute couture de mini tenues. Ses minijupes, contrairement à celles de Quant, cessent d'être droites et prennent des ailes sur les côtés pour porter le nom de jupes trapèze.

Mary Quant, quant à elle, propose une ligne de vêtement plus populaire : bon marché, futuriste et pratique, elle connaît un grand succès. Lorsqu’on associe ces jupes courtes à des bottes à laçage croisé, elles se font l’emblème d’une femme sexuellement libérée. Parallèlement, on assiste à la naissance des modèles de confection en série, c’est à dire le prêt-à-porter, qui réussissent le pari d’habiller les femmes avec élégance pour des prix modérés. Les adolescentes s’approprient ces jupes courtes et gaies, dans un contexte de prospérité économique favorisant la transgression des normes sociales. Cependant, la mini fait scandale dans les milieux conservateurs, et elle a aussi ses détracteurs dans le monde de la mode, particulièrement la haute couture. Ainsi, Coco Chanel s'oppose violemment à l'arrivée de la minijupe, tandis que « Christian Dior considère le genou comme la partie la plus laide du corps ».

Aujourd’hui, après une période de liberté toute relative, on assiste à un retour du machisme, et la mini continue de faire parler d’elle :
- En 2001, le règlement intérieur de l’entreprise Airbus interdit le port de la minijupe.
- Le 17 janvier 2007, le premier président de la Cour de cassation en France lance une réflexion pour savoir s'il faut proscrire le port de la minijupe par les magistrates.
- Le 8 mai 2007, le député polonais Artur Zawisza dépose une proposition de loi « visant à réprimer les tentations sexuelles, incluant en cela le port de la minijupe, les décolletés généreux, les chemisiers transparents ou les maquillages insistants ».
- Le 4 mars 2008, plusieurs centaines de personnes défilent en Afrique du Sud, dans le centre de Johannesburg, pour défendre le droit des femmes à porter des minijupes sans être victime de commentaires désobligeants ou de gestes déplacés.
Malgré ou à cause de ces difficultés, le port de la minijupe continue d’être revendiqué par les féministes comme un symbole de liberté. Comme l’explique le sémiologue Roland Barthes, « Ce n'est pas un raccourcissement, mais une construction parfaite ».

Caroline Gosseau.

Lien
Sources:

- Article de wikipédia sur la mini-jupe
- Article de wikipédia sur Mary Quant

- Charlotte Seeling, "La Mode 1900-1999 : Le Siècle des créateurs", éditions Könemann, 2000

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