dimanche 15 mars 2009

Françoise Sagan ou l'élégance de survivre


Née le 21 juin 1935 à Cajarc dans le Lot, Françoise Quoirez, qui prendra plus tard le pseudonyme de Françoise Sagan (emprunté à un personnage de Proust, Hélie de Talleyrand Périgord, prince de Sagan) pour la publication de Bonjour Tristesse, est issue d'une famille bourgeoise.

Peu brillante élève du Couvent des Oiseaux et du cours Hattemer, elle préfère lire seule Sartre et Camus tout en fréquentant assidûment les clubs de jazz du quartier latin. Elle rate ses examens universitaires à la Sorbonne mais, fascinée par les Illuminations de Rimbaud, elle écrit en quelques semaines Bonjour Tristesse (titre tiré lui d'un vers de Paul Eluard) qu'elle dépose au bureau de l'éditeur René Julliard. Bonjour Tristesse raconte dans un style immédiat et détaché l'éveil à l'amour d'une adolescente à la fois innocente et perverse.

Le roman de Françoise Sagan, âgée alors d'à peine 19 ans, est lancé au printemps 1954 sur fond d'émancipation féminine. Neuf années après la guerre, un vent de liberté souffle sur le Saint-Germain des Prés existentialiste. La presse s'emballe pour le ton nouveau de cette mineure que l'on compare à Colette ou à Radiguet.

Le livre obtient le prestigieux Prix des Critiques avant d'être encensé par François Mauriac. Le public curieux et un tantinet choqué suit, les ventes explosent et Bonjour Tristesse atteint à ce jour plus de deux millions d'exemplaires vendus. C'est l'un des plus grands best-sellers de l'histoire de l'édition française. La jeune Françoise Sagan connaît la gloire, propulsée icône de la jeunesse affranchie des années '50-'60 et bientôt égérie des zazous, des hussards et des existentialistes parisiens de tous poils. "La gloire, je l'ai rencontrée à 18 ans en 188 pages, c'était comme un coup de grisou", dira-t-elle plus tard.

Entretenant sa légende personnelle, entourée de ses amis artistes et célèbres (Bernard Frank, Florence Malraux, Jacques Chazot,...), Françoise Sagan mène une vie privée pleine d'excès et de petits scandales insolents. Grisée par le succès, les voitures de sport, l'argent, le jeu, la drogue, l'alcool, elle défraie souvent la chronique mondaine mais aussi, dans les années '80, la chronique judiciaire avec diverses affaires de drogues, de plagiat (pour Le chien couchant), de fraude fiscale et même d'espionnage pour le compte de son ami Président de la République François Mitterrand, dans le cadre d'un volet de l'affaire Elf.

Mariée et divorcée à deux reprises, dont l'une avec l'éditeur Guy Schoeller, Françoise Sagan devenue au fil des ans la sympathique grande dame à petits scandales de la scène culturelle française n'a jamais délaissé sa carrière littéraire et a publié une cinquantaine de romans ou pièces de théâtre dont plusieurs connaîtront de grands succès.

La plupart de ses textes importants ont été réunis dans Oeuvres (Robert Laffont, collection Bouquins, 1993). Ils sont également publiés au format de poche dans la collection Pocket. Sur Françoise Sagan on peut lire la dernière biographie de la journaliste Marie-Dominique Lelièvre intitulée Sagan à toute allure (éditions Denoël, 2008), ainsi que le cahier spécial Françoise Sagan des éditions de l'Herne (2008). À noter aussi un téléfilm de la cinéaste Diane Kurys consacré à la vie de la romancière, avec Sylvie Testud dans le rôle principal.

À la fin de sa vie, elle est ruinée suite à sa condamnation en justice dans le cadre de l'affaire Elf. Elle doit quitter son appartement de la rue de l'université pour un plus petit, d'abord quai d'Orsay puis rue de Lille. Ne pouvant plus subvenir à ses besoins, elle est recueillie par son amie, Ingrid Mechoulam. Elle est alors gravement malade.

La hussarde du Saint Germain des Prés sixties s'est éteinte le 24 septembre 2004, âgée de 69 ans, à l'hôpital de Honfleur, près de sa maison d'Equemauville où elle a vécu retirée les toutes dernières années de sa vie.

Elle a demandé à être enterrée à Cajarc, dans le pays où elle est née, qu'elle aimait, avec une femme qu'elle a aimée et qui l'a aimée jusqu'au bout, sa compagne, Peggy Roche, décédée au début des années 1990.

"Pas de la grande littérature, mais un bilan globalement positif", disait-elle avec humour de son oeuvre. Avis partagé par la plupart des critiques littéraires depuis plus d'un demi-siècle, tous plus ou moins séduits par la fameuse "petite musique" mélancolique, le ton en apparence nonchalant d'une Françoise Sagan qui aura fortement marqué sa génération et occupera sans aucun doute une place éternelle dans l'histoire de la littérature française du XXème siècle.

Pour mémoire, voici son épitaphe qu’elle écrit en 1998 : « Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, "Bonjour tristesse", qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. »

Constance DAULON

Sources :

Sagan à toute allure, Dominique Lelièvre.

Françoise Sagan ou l’élégance de survivre, Pol Vandromme.

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